rejet abandon

La différence entre rejet et abandon : comment les deux résonnent en moi

La plupart des personnes que je rencontre en consultation ne savent pas distinguer le rejet de l’abandon. Et pourtant si le sentiment et les conséquences semblent les rapprocher, le contexte pour l’un et pour l’autre est totalement différent. rejet abandon.

Contexte du rejet Contexte de l’abandon
Vous êtes encore en contact ou possibilité de contact, et donc possibilité de relation avec l’autre, mais celui-ci se positionne comme ne voulant pas de vous, ou d’une de vos idées, ou de votre présence à ses côtés. Soit tout lien relationnel est coupé avec une personne qui est importante pour vous

(cause possible : décès, abandon en institut, adoption, divorce, etc.), il n’y a plus de possibilité de créer la relation.

Soit vous avez la perception que le lien est coupé, et la situation reste en l’état de ressenti et sentiment d’abandon

(cause possible : désintérêt, hospitalisation du parent ou de l’enfant, dépression, etc.).

L’estime de soi est mise à mal.

La confiance en l’autre et en soi, aussi.

Le lien de confiance en l’autre a été rompu.

La confiance et l’estime en soi sont mises à mal aussi.

Mieux comprendre le sentiment d’abandon

  • Déclenchement

Une personne éprouve un sentiment d’abandon quand, petite (bébé, jeune enfant ou préadolescente), elle a vécu l’abandon réel (ou imaginé comme réel) par un parent (les effets sont multipliés si le parent est le parent œdipien, donc du sexe opposé à l’enfant), en qui l’enfant avait posé toute sa confiance quant à la capacité à répondre à ses besoins de sécurité, d’affection, de soins et d’accompagnement à l’expérimentation de la vie.

Lorsque ce parent référent, sur qui l’enfant a posé toute « sa survie », disparaît et que la relation est alors coupée, naît en l’enfant des peurs de manque, des peurs pour sa vie, son devenir. Il n’a pas conscience que d’autres adultes référents peuvent prendre le relais pour lui venir en aide et l’accompagner en toute sécurité et bienveillance. Dès lors ce lien coupé, il se sent irrémédiablement seul et en danger.

Selon le stade de croissance de l’enfant, soit il ne peut pas répondre du tout à ses besoins vitaux, soit il peut se débrouiller un peu par lui-même, tout en évoluant dans un grand sentiment d’insécurité et donc de besoin d’être rassuré. Ayant perdu son socle et point de repère principal, il ressent un immense vide qu’il ne sait combler. Oui, elle vient de là, cette sensation de vide ! L’angoisse permanente prend alors place. La confiance en l’autre est rompue. Le sentiment de danger possible à tout moment d’être à nouveau abandonné est là, avec la peur que cela recommence… D’où les événements récurrents sur le parcours de vie, ou les comportements qui permettront soit de les éviter, soit de les revivre à nouveau, comme pour confirmer la croyance de ne pouvoir faire confiance aux autres, et de ne pas être suffisamment estimable et aimable.

  • Naissance des croyances

L’enfant ne comprend pas que le parent (même lorsqu’il s’agit d’un décès ou d’une maladie de longue durée, ou dépression) ait coupé les liens et donc qu’il ne veuille plus s’occuper de lui. Il pense définitivement que le parent ne l’aime pas ou qu’il ne l’aime plus, parce que : « Je ne suis pas à la hauteur d’être aimé. »

En grandissant, la quête de la personne peut prendre plusieurs voies :

  • Soit la personne va mener des stratégies pour se faire apprécier peu importe l’investissement ou le sacrifice qu’il devra faire pour « être aimé » ;
  • Soit elle se renferme, et part du principe qu’elle ne peut compter que sur elle-même, car les autres ne sont pas fiables. Mais tout en faisant par elle-même, son enfant intérieur continue à pleurer de sa blessure d’abandon et d’avoir peur de l’inconnu et du manque ;
  • Soit la personne va contrôler, maîtriser et manipuler des situations pour éviter d’avoir à vivre ses peurs, et en faisant cela, elle n’œuvre pas pour ce qui est bon pour elle, ni même pour gagner en autonomie. Elle ne fait que fuir ce qui la tétanise ;
  • Soit enfin, la personne peut prendre le chemin de l’autosabotage en prenant des décisions et faire des choix qui vont l’emmener à revivre des situations d’abandon ou de rejet uniquement pour confirmer et renforcer ses croyances de ne pas avoir de valeur.

Une personne, qui a été abandonnée ou qui s’est sentie abandonnée (les conséquences sont les mêmes), vit en permanence dans la crainte d’être à nouveau abandonnée et de perdre ce qui est important pour elle. Tout en étant adulte, elle pense ne pas être capable de pouvoir subvenir à ses besoins. Pour elle, toutes les réponses sont à l’extérieur, dans les mains et le pouvoir des autres. Il est donc extrêmement important, du coup, d’être apprécié des autres pour se sentir secur. La personne bascule alors dans le trouble de la dépendance affective et use des schémas comportementaux, tels que la fuite des responsabilités, l’évitement par peur, le surinvestissement (tout donner, tout faire pour l’autre… voire se sacrifier), le contrôle, la maîtrise et aussi la manipulation. Elle peut aller jusqu’à provoquer la précarité pour attirer l’attention des autres, et continue à être dépendante des autres pour une raison ou une autre, juste pour pouvoir être accompagnée et soutenue. Elle recherche la compagnie des autres. Pourvu qu’elle ne se sente pas seule.

  • Réactivation

Pour éviter cette solitude et l’angoisse qui va avec, elle donne du pouvoir aux autres en leur donnant la possibilité de s’ingérer dans sa vie, pose des confidences, raconte des histoires, se surinvestit pour les autres, accepte l’inacceptable uniquement pour que le lien soit, et que l’attention sur elle continue. Quand il y a rupture de cette attention, c’est un immense sentiment de vide qui est à nouveau ressenti et qui ravive l’initial et donc l’émotion originelle. À chaque événement redondant, c’est le sentiment d’abandon qui est réactivé de façon plus intense encore.

  • Risques

Lorsque la personne qui souffre d’abandon, et qui est devenue ainsi dépendante de l’autre, se laisse entrer dans une relation toxique voire très dangereuse, elle ne sait pas quitter la relation pour se préserver. Pour elle, quitter la relation veut dire « abandonner l’autre » et donc lui faire énormément de mal.

Le dépendant affectif est tout sauf méchant ou pervers, même s’il lui arrive aussi de manipuler, de se victimiser, de culpabiliser. Cela n’est jamais dans le but de détruire l’autre. Quand il se fait grinçant, il est important de comprendre qu’il s’agit surtout d’une forme de pleurs et de souffrance qu’il ne sait exprimer autrement que de « piquer » l’autre par des reproches. Un peu comme un enfant… qui ferait l’inverse de ce dont il a besoin. Par exemple, l’enfant fait une bêtise qui lui fait prendre le risque d’être réprimandé, alors qu’en réalité, il veut juste attirer l’attention pour avoir un câlin ou être sécurisé. Toutefois si ce comportement est concevable chez un enfant, il peut être pénible à vivre entre personnes adultes, qui devraient normalement savoir s’exprimer directement, et s’affirmer… donc aller droit au but, et poser son besoin.

L’abandonné devenu dépendant affectif, au lieu de prendre à bras-le-corps ses rêves, ses possibilités, opportunités d’évolution au travers de projets personnels, préfère poser son regard sur l’autre et s’oublier, dans le but que l’autre soit satisfait et l’apprécie. Pour cela, il détecte là où il pourrait se positionner en tant que sauveur, pour se rendre utile auprès des autres, et faire en sorte d’avoir comme créé une dette qui lie l’autre à jamais. Quand le lien est malgré tout coupé ne serait-ce que par une absence de reconnaissance ou un non-retour de service rendu, l’abandonnique se sent à nouveau trahi et abandonné. À ce moment-là, il bascule dans des comportements persécuteurs en culpabilisant l’autre pour qui il a tant fait et donné, et tente quelques stratégies de chantage émotionnel et de victimisation. Et rebelote, c’est à nouveau le fonctionnement de l’enfant qui prend le relais. Et tout cela est normal, puisque c’est l’enfant intérieur qui par ses manques et ses peurs, prend toute la place dans la vie de la personne adulte.

Mais en adoptant ces façons d’être et de faire, c’est tout l’inverse qui arrive : l’autre (ou l’entourage) quitte le navire par épuisement, saturation et oppression. Et la personne se sent encore, et encore une fois de plus, abandonnée. Il est important de sortir de ce cercle vicieux.

Mieux comprendre le sentiment de rejet

Le rejet est différent de l’abandon dans le sens où l’autre n’a pas disparu, mais « il montre qu’il ne veut pas de moi ». La personne qui en souffre traîne la conviction que personne ne veut d’elle par ce qu’elle n’est pas à la hauteur ou encore pire, parce qu’il s’agit d’elle. Donc le rejet est pris au sens le plus profond et le plus douloureux qui soit, puisqu’il est pris au sens du « rejet de soi, du moi ».

  • Déclenchement

Ici, comme dans l’abandon, on retrouve dans l’enfance, une expérience où le petit s’est senti rejeté par une personne importante pour lui (souvent le parent du même sexe, mais pas que), alors qu’en réalité, en analysant l’histoire et les faits, il ne s’agissait que d’un retrait passager, ou d’un manque d’investissement d’un parent trop occupé par sa carrière, ses propres soucis ou par un autre enfant de la fratrie, ou d’une personne de la grande famille ou d’un ami, qui avait besoin à ce moment-là d’une attention toute particulière.

L’enfant en a tiré la conclusion que lui n’est pas important pour les autres, qu’il ne vaut pas la peine qu’on s’intéresse à lui. Il se sent rejeté, alors qu’il n’en est rien en réalité, dans son histoire.

  • Comportement et risques

Grandissant avec ces pensées, il devient un adolescent rebelle et colérique. Il reproche beaucoup aux autres des comportements qu’il adopte lui-même : le retrait, l’indifférence, le manque d’attention et de partage. Il est très susceptible et interprète le moindre regard ou parole contre lui. Lorsque l’enfant ou l’adolescent exprime ainsi sa souffrance, il est possible de la prendre en considération et d’agir. Lorsqu’il reste en retrait dans le silence, il est alors plus compliqué d’identifier jusqu’à son désespoir et ses possibles idées noires. Attention, il peut y avoir danger de tentative de suicide. Mieux vaut consulter.

Celui qui souffre d’un sentiment de rejet a peur du conflit et de la discussion. Pour lui, une personne qui ne partage pas le même avis ou qui poserait une question allant à l’encontre de ses projets, est une personne qui est « contre lui » et donc qui le rejette, lui. Il préfère donc fuir les discussions et les partages d’avis pour s’éviter un affront ou une douleur de plus. Il est celui qu’on voit souvent soit prendre la porte dès que l’ambiance devient lourde, ou alors se mettre en retrait avec un simple « moi, je ne me mêle pas de ça. Ça ne me regarde pas. Je n’ai rien à dire à ce propos ». C’est une forme de protection qu’il pense être efficace, alors que l’affirmation de soi, et l’échange dans l’écoute des autres, tout en conservant son libre arbitre aurait plus d’intérêt pour le respect de soi et l’ouverture aux autres. Longtemps, la personne ne perçoit pas cette compétence comme aidante pour elle.

  • Croyance

Celui qui souffre d’un sentiment de rejet avance avec l’idée de ne pas être important pour les autres, de ne compter pour personne. Il peut aller jusqu’à penser que si on s’intéresse à lui, c’est parce qu’il y a un avantage pour l’autre à le faire, et donc, il se sent abusé et exploité. Il pense que ce qu’il vit, que ses besoins et préoccupations n’intéressent personne autour de lui, qu’il ne vaut rien et que personne ne veut de sa présence. Il souffre en général d’un fort complexe d’infériorité et d’un manque d’estime de soi.

La réalité est que c’est la personne elle-même qui se dénigre et se rabaisse jusqu’à tenir des propos comme : « De toute façon, je suis qu’un con. Je le sais bien ! Tout le monde pense ça de moi, je le sais bien ! »

À retenir

Qu’il s’agisse d’abandon ou de rejet, imaginés ou réels, abandon interprété comme un rejet ou vice versa, il est possible d’en sortir. Ici, je vous propose uniquement de prendre conscience de vos schémas, de reconsidérer certaines situations, de revisiter vos croyances et convictions, et de décider d’expérimenter d’autres façons d’être, pour petit à petit vous donner la chance d’autres résultats.

Pour aborder le fond du fond de votre histoire, et surtout si elle est très fragilisante et vous fait souffrir encore, faites-vous accompagner.

© Extrait du livre “Combler ce vide en nous” de Geneviève Krebs, paru aux Editions Eyrolles

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