Communiquer avec un manipulateur ne se fait pas normalement car la finalité qu’il vise n’est pas le consensus mais le contrôle sur l’autre, la main mise sur la situation, voire la destruction de sa proie. Il cherche à obtenir ce qu’il veut, et souvent contre la volonté de la personne ou sans qu’elle ne s’en rende compte.
La stratégie de communication du manipulateur
Pour ce faire, il adopte une façon de communiquer qui installe le doute et la confusion. Ce qui est une façon de procéder qui fatigue assez rapidement la personne en face et lui fait perdre le fil conducteur de la discussion. Dans les cas les plus poussés, les interlocuteurs du manipulateur ne savent plus si leur avis est bon ou pas. Ils perdent tout point de repère et logique. Le manipulateur reste de plus en plus vague. Il n’exprime aucun but, ne laisse apparaître aucun sentiment et ne dévoile aucun besoin. Il utilise avec mauvaise intention, les silences comme une pression psychologique.
Non pas un échange, mais une pression
En face, l’autre doit savoir avec perfection et comprendre ce qui se cache derrière les mots et les messages induits par le non verbal. Tout devient si lourd à comprendre et la tension est telle que l’interlocuteur en arrive par épuisement, à culpabiliser, à demander si tout est ok, à se soucier du manipulateur, qui malgré l’incongruence de ses attitudes, certifie que tout va bien pour lui. Sa façon d’écouter est sélective. Il ne retient, relève et utilise dans ce qui est dit que les faits et arguments qui viennent servir sa cause.
Une écoute sélective et au service de sa stratégie
Il évite les sujets qu’il sait dangereux pour lui. Il harcèle l’autre de questions en un temps record pour lui faire perdre le fil de ses idées et le mettre dans une situation inconfortable, voire d’échec. Et lorsqu’il donne le sentiment d’une écoute efficace, il le fait dans le seul but de relever les incohérences, faire des remarques, poser des questions pièges et porter jugements. Dans certains cas, la fatigue mentale prend le dessus et la seule manière pour que cela s’arrête est d’abdiquer, d’accepter tout ce que le manipulateur impose. Et alors, il aura gagné !
Il veut avoir la main sur votre libre-arbitre
En premier lieu, le manipulateur identifie chez vous l’émotion, la situation ou le sentiment de malaise que vous cherchez à tout prix à éviter. Il vous mènera alors précisément dans ce type de situation jusqu’à ce que pour vous, de façon consciente ou consciente cela devienne inconfortable, voire insupportable ; pour vous proposer ensuite d’en sortir, à moins qu’il installe un chantage que vous ne pourrez qu’accepter pour vous libérer. Le chantage peut tout simplement être d’adopter son point de vue.
Comment s’en sortir : reprendre le pouvoir à soi
Vous l’aurez compris, communiquer normalement avec un manipulateur est de l’ordre du rêve. C’est impossible. Voici quelques pistes pour rester intègre par rapport à, qui vous êtes, vos idées, votre éthique, et reprendre la part de contrôle qui vous revient dans l’échange.
Selon notre personnalité et vécu, il y a des approches dans la manipulation qui nous touchent plus facilement et pour lesquels nous sommes plus vulnérables. Pour identifier ce qui agit le plus facilement et couramment chez vous, posez-vous des questions, en vous remémorant les scènes les plus significatives de votre histoire.
Un retour sur soi pour comprendre : pourquoi moi ?
Être vulnérable aux techniques d’un manipulateur n’est pas anodin. Le laisser agir ainsi et se laisser prendre dans ce jeu, montre qu’il existe une motivation en vous qui le pousse à franchir les limites de l’inacceptable.
Suis-je plus sensible à des techniques de manipulation directes et agressive ? Est-ce que la manipulation douce et sournoise a plus d’effet sur moi ? Observez de la même façon, quelles sont vos faiblesses que les manipulateurs utilisent le plus souvent. À quoi parviennent-ils à le voir en vous ?
Le manipulateur peut également vous laisser espérer un avantage, de la reconnaissance, de l’attention, du temps, un avancement professionnel, etc. quelque chose qui est important pour vous comme la possibilité d’atteindre plus facilement vos objectifs, obtenir des résultats, une récompense, être rassuré, besoin permanent chez le dépendant affectif, même au travail. Une promesse évidemment non tenue. Le dépendant affectif est une des proies favorites du manipulateur.
Repensez à une situation durant laquelle vous vous êtes fait manipuler, et demandez-vous ce que vous cherchiez à ce moment-là à éviter. Et qu’y avait-il à gagner pour que vous laissiez la personne vous manipuler encore et encore sans y mettre fin ?
Et à ce moment-là, souvenez-vous de la petite voix en vous… que vous disait-elle ? Quelles étaient les pensées répétées, des injonctions qui vous poussaient à laisser faire le manipulateur, comme par exemple :
« Je dois absolument me faire bien voir de cette personne »
« Il faut que je sois coopératif »
« Je dois aider les autres si je veux devenir quelqu’un d’important dans cette entreprise »
« Je n’ai pas le droit de me tromper. Je dois tout savoir »
« Souvent on n’a pas pu me faire confiance dans ma mission. Je n’ai pas été à la hauteur »
« Je dois faire des efforts pour qu’il y ait une bonne entente dans l’équipe. »
« Les gens ne sont pas tous comme moi. Même si son comportement me choque, je dois rester dans l’ouverture et l’acceptation ».
Le manipulateur provoque en utilisant vos faiblesses
Par exemple, un manipulateur qui vous fait la remarque « oh, mais je vous trouve bien sensible. Ne vous mettez pas dans un état pareil », réveille en vous l’injonction par vos pensées internes qui dit : « il faut endurer, être plus fort et courageux ! Il ne faut pas se plaindre ! ».
Remettez en question ces pensées internes en vous recadrant à l’aide de questions personnelles, comme :
- De qui me vient cette idée ?
- A-t-elle réellement du sens pour moi ?
- Quel est le risque de penser cela, à moyen et long terme ?
- Toute question qui vient déstabiliser ce que vous avez pris comme postulat jusque-là.
C’est votre enfant intérieur qui mis à mal et sur-réagit
Il n’est pas possible de ne pas communiquer. Si vous vous sentez vulnérable, c’est qu’à ce moment-là, perturbé par le manipulateur, vous avez confié votre rôle d’adulte à votre partie enfant, faite de sensibilité et de vulnérabilité, réveillant ses besoins d’être rassuré, de vouloir se plaindre ou d’avoir besoin de pleurer par épuisement. Consciemment, transmettez la mission d’être et de communiquer à votre partie adulte, qui adopte un tout autre langage et une force dans la posture et le comportement. Il sera ainsi plus facile de prendre de la distance avec le manipulateur et lui montrer que ces remarques ne vous atteignent pas.
Quelques exemples de réponses simples que vous pouvez utiliser : . C’est votre point de vue. Je pense différemment. . Vous avez le droit de penser cela. . J’ai une vision différente de la situation. . Ca peut arriver mais ici ce n’est pas le cas.
Déjouer la manipulation passe par un travail personnel
Déjouer la manipulation passe par un travail personnel de remise en question, d’apprentissage et de formations pour savoir mieux s’affirmer, apprendre à dire non et savoir gérer ses émotions.
Savoir s’affirmer grâce à une solide confiance en soi. Le manipulateur peut déstabiliser uniquement une personne qui est fragile au niveau de la confiance qu’elle se porte. Plus la confiance en soi et l’estime de soi sont « blessées », plus l’impact des attaques du manipulateur sera important.
Savoir dire non ne veut pas dire entrer dans le conflit pour s’exprimer et positionner son avis. Savoir dire non permet au contraire d’éviter le conflit, d’être intègre avec soi-même et ses idées, sans culpabilité. Si le manipulateur détecte la moindre hésitation par le verbe ou l’attitude, il en abusera pour faire jouer la culpabilité et déstabiliser.
Bien gérer ses émotions permet de s’affirmer sans agressivité mais avec fermeté et conviction. C’est aussi savoir réagir avec souplesse et rapidité en cas de manipulation et chantage émotionnel. Le manipulateur cherche à déstabiliser et à créer des situations inconfortables. Il est important de savoir en sortir rapidement et revenir à un état normal et équilibré.
Adoptez un fonctionnement stricte avec le manipulateur
- N’en faites jamais un ami ou un confident. Gardez vos distances.
- Restez imprécis dans votre réponse lorsque la situation est conflictuelle ou dangereuse. Et dans ces cas, ne répondez pas à ses attentes.
- Faites des réponses courtes du type « oui » ou « non ». Évitez de développer car cela génère des discussions sans fin et un besoin effréné pour lui d’avoir raison.
- Ne lui demandez aucun service et ne lui en rendez aucun.
- Ne lui dites pas qu’il est malade et qu’il a besoin de se faire soigner. Il prendra cette décision à partir du moment où il en prendra lui-même conscience.
- Lorsque le manipulateur vous parle et vous impose quelque chose avec une approche manipulatrice ou perverse, demandez du temps pour donner votre réponse, comme ceci : « j’ai besoin d’y penser. Je te donnerai ma réponse demain » ou « je ne peux pas me décider maintenant ». Cela vous permet de baisser en pression émotionnelle et ainsi de ne pas agir en réaction. Tout le travail consiste à dire dans sa tête « Stop. Je n’ai pas envie d’aller dans ton sens et de devoir faire quelque chose par pression, peur, culpabilisation, etc. Pour cela j’ai besoin d’y penser, de prendre le recul et de peser le pour et le contre.
- Au moment où le manipulateur vous parle et aussi durant votre temps de réflexion, observez-vous ! Écoutez cette petite voix en vous qui vous donne des indications par rapport à ce que vous ressentez et ce que cela vous fait. Comprenez quel est le déclencheur en vous qui vous rend fragile aux paroles de l’autre, comme lorsqu’il vous dit : « toi, qui est serviable… », « toi, qui sais … », « toi, qui a du génie… », etc. Une fois la flatterie de l’égo passée, qu’est-ce que cela vous fait ? Êtes-vous en harmonie avec la demande ou pas ? Osez discuter la demande comme ceci : « j’ai bien entendu ton besoin. En ce qui me concerne, je pense que… et peut-être que je peux te donner telle information pour te faciliter les choses… C’est tout ce que je peux faire ».
- Formez-vous à utiliser au mieux les outils de la communication non violente cela évitera d’une part de provoquer un conflit avec l’autre et c’est la meilleure solution pour exprimer également son besoin et ses points de vue, donc se respecter.
- Profitez du recul que vous provoquez pour anticiper les réponses qui vont venir et savoir les gérer.
- Si la situation n’est pas trop grave, vous pouvez demander à la personne d’expliquer son comportement et de motiver sa demande. Exemple : « en quoi est-ce si important pour toi ? », « quel est le moyen que tu aurais envie de me suggérer pour régler le problème ? »
- Négociez toujours une solution gagnant-gagnant. Ne vous laissez pas écraser ou abuser.
EXPRESSIONS AIDANTES |
– J’entends tes arguments mais pour moi, c’est non – J’entends vos menaces, mais elles ne vont pas m’arrêter – Vous avez le droit d’exprimer votre opinion – Vous avez peut-être raison mais pour moi c’est non – Nous voyons les choses différemment, c’est même enrichissant – Vous pouvez penser cela. Je pense différemment – Vous pouvez le croire – Vous avez interprété mes paroles de cette façon. Mon intention était autre chose – Vous avez le droit de le penser – Je peux vous dire « oui » si c’est ce que vous voulez entendre – Je pense que nous voyons chacun une partie différente du problème. Nous avons tous les deux raison – Les gens parlent souvent de choses qu’ils ne connaissent pas – J’ai une opinion différente et je préfère la garder pour moi – Je ne suis pas devin – Il faut savoir être conciliant parfois. – Faire comme tout le monde est parfois reposant – Ce n’est pas moi qui en parle. C’est vous qui abordez le sujet – Oh ! c’est aimable et distingué comme réflexion ! – Ne vous inquiétez pas pour moi – L’avenir nous le dira – Chacun fait des expériences différentes – Hier n’est pas aujourd’hui |
Gardez en tête quelques consignes comme :
- Restez vague dans vos réponses
- Utilisez des phrases toutes faites, ou des dictons, proverbes
- Utilisez le « on » si vous avez peur d’utiliser le « tu » ou le « vous »
- Usez d’humour à chaque fois que cela est possible et gardez le sourire. Riez de vous-même. (autodérision).
- Restez poli surtout s’il s’agit de votre responsable hiérarchique ou employeur
- Ne participez pas à la discussion si elle ne mène à rien
- Ne répondez pas à la dévalorisation
- Restez le plus calme possible et évitez toute agressivité
- Ne vous justifiez jamais !
© Geneviève Krebs, psychopraticien en thérapies brèves, et coach depuis + de 20 ans. Auteur d’une douzaine d’ouvrages dont “Dépendance affective : six étapes pour se prendre en mains et agir” et “La dépendance affective au travail“, parus tous deux chez Eyrolles.
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