Ces couples ont souvent démarré leur relation par un amour passionnel, où seuls eux deux existaient au monde. Mais la passion n’a rien à voir avec l’amour et prive de la liberté de pouvoir évoluer individuellement en dehors du couple.
Le dépendant affectif insécure est friand de ce type d’amour où l’autre est présent au maximum, et où le style de vie est « collé-collé ».
Tout est débordement dans l’amour passionNEL
Les premiers débordements sont pardonnés : « Il m’aime tellement. Il a été touché par le fait que je rentre tard. Je lui ai tellement manqué. Je ferai attention maintenant. » L’amour est pris comme prétexte. Il n’y a pas de limites, ni dans la façon de s’aimer physiquement, ni dans les déclarations, ni dans la façon de vivre ensemble.
L’amour passion isole sous le même toit, d’un côté, le couple passionné, et de l’autre, les enfants qui deviennent parfois un poids dont il faut s’occuper. Ces enfants-là doivent se responsabiliser très tôt et faire le maximum pour ne pas gêner. Ils apprennent à se taire et se faire encore plus petits qu’ils ne sont, au risque que papa se fâche… Et maman ne dira rien puisque l’important est surtout d’être avec lui. L’amour passion dans un contexte familial peut être destructeur pour tous.
L’amour passion : le terreau de la manipulation
Comment aurait-elle pu croire que derrière des effusions d’amour, il y ait une préméditation malveillante de la rendre accro, de la soumettre et lui faire subir sa perversion ? Elle a vécu les débuts de la relation comme une ado à presque 38 ans. Des déclarations intenses, des surprises et cadeaux troublants et inattendus. « Je me suis sentie précieuse, femme… Je me suis sentie vivante à ce moment-là. Exister pour quelqu’un… ça ne m’était jamais arrivé. Et j’ai profondément aimé ça ! » Elle était à cent mille lieux d’imaginer que la première pierre de la manipulation était posée. Lors de cette première phase, le manipulateur inonde sa victime d’amour avec pour objectif de la sécuriser suffisamment dans la relation amoureuse pour qu’elle accepte assez rapidement d’aller plus loin dans l’engagement.
La victime n’a pas une minute à elle
Elle est inondée de messages et de preuves d’amour. Et pendant qu’elle reste sur son petit nuage à l’eau de rose, elle n’a pas la présence d’esprit de se rendre compte de la démesure de son affection. Pour un dépendant affectif insécure, s’entendre dire « je t’aime » et avoir tant de belles attentions, c’est un miel dont il n’a pas envie de se passer. Il en redemande encore et l’autre répond à ses attentes… pour le moment. Elle rentre totalement dans son jeu. Tout fonctionne à merveille. Mais Une fois la phase de séduction passée, et la relation installée, …
Le manipulateur crée l’attachement sentimental
Le dépendant affectif insécure ne demande pas mieux. C’est la réponse ultime à son principal besoin ! La relation devient une drogue et en prendre une dose chaque jour est un privilège. C’est au moment où la confiance totale est donnée que le manipulateur vient chercher les confidences en posant les siennes (erronées bien sûr !). C’est dans l’échange qu’il identifie la faille et saura en jouer. Elle ne voit rien. Elle est heureuse ; un homme lui porte de l’attention, l’écoute, la chouchoute, lui montre qu’il l’aime. C’est le bonheur parfait. Une fois l’attachement installé, le couple passe aux choses plus sérieuses : l’installation ensemble, voire plus… le mariage, un enfant, un projet commun, etc. Lorsque la partenaire est installée et totalement engagée, le comportement de son conjoint change radicalement.
Le love bombing
Il arrête de donner de ses nouvelles lorsqu’il quitte la maison, il rabaisse et ridiculise sa partenaire, fait preuve de méchanceté, génère de la peine et de l’incompréhension. Ce type de manipulation est très similaire aux pratiques sectaires. Il peut mener la victime à la violence-rébellion, voire au suicide. Les personnes dans des situations de dépendance affective insécure sont particulièrement sensibles et vulnérables à cette technique de manipulation que l’on nomme le « love bombing ». Elles sont tellement attachées, sous emprise, que le revirement de comportement les bascule violemment d’un jour à l’autre dans la peur de l’abandon, du vide, de la solitude. Elles ont tellement besoin de l’autre pour vivre qu’elles restent dans la relation pour avoir encore un peu de ce breuvage idéal qu’ils ont bu ensemble au début. « Personne ne pourra jamais me donner ce niveau d’amour. » Plus la victime souffre, plus le « love-bomber » savoure son succès.
La violence Psychologique est installée
Le renoncement à l’idée de l’amour et de la complicité qui lui ont paru exceptionnels, est plus insupportable pour elle que la violence qu’il lui fait subir. Elle s’accroche alors à la nostalgie des débuts avec l’envie et l’espoir du retour des débuts enchantés. Pour la garder docile sur une période longue (souvent plusieurs années), le pseudo-amoureux lui fait souffler le chaud et le froid. Elle passe alors dessus l’inacceptable juste pour quelques doses de bonheur.
© Geneviève Krebs, 2022 , psychopraticienne en thérapies brèves et spécialiste reconnue de la dépendance affective depuis 1997. Auteure de plusieurs ouvrages sur la souffrance d’abandon, d’humiliation et de rejet, parus aux éditions Eyrolles, et notamment le best-seller Dépendance affective : six étapes pour se prendre en mains et agir.
Auteur de l’essai paru le 20 octobre 2022 chez Eyrolles : “Quand l’amour nous fait accepter l’inacceptable : la dépendance affective rend-elle plus vulnérable à la violence conjugale ?”