Quand les mots “tromperie”, “souffrance”, “pouvoir”, “domination”, “humiliation”, “indifférence” représentent un couple, qu’il s’agisse d’une relation sentimentale, amicale, ou familiale, alors à votre avis, de quoi s’agit-il : amour ou dépendance ?
De la même façon lorsque cette ambiance là réside dans une relation professionnelle, de quoi s’agit-il : considération-respect ou dépendance ?
La peur du vide créée l’illusion
Qu’est-ce qui fait qu’une personne reste dans une relation nocive qui n’apporte rien que de la douleur, sans jamais (ou si peu) recadrer l’essentiel, et dire “stop” à la Nième dernière chance que ça s’arrange ? Et surtout ne répondez pas que c’est l’amour.
Pourquoi continuer à vous investir avec cet(te) autre qui vous manque de respect, et vous le savez, qui ne vous considère pas et qui n’a pas envie de s’engager avec bienveillance et honnêteté dans la relation ?
Pourquoi continuer à donner donner donner, faire faire faire, alors que vous ne recevez rien, ou si peu… ou que l’autre prend tout, et prend uniquement ? Sans même évoquer le schéma quelque peu manipulateur qui voudrait vous positionner dans le “faire pour avoir”… avouez que même à faire des tonnes, de toutes les façons si peu vous revient.
Et pourtant vous êtes encore là … à espérer et à vous convaincre les jours où ça va à peu près bien que ça n’est pas le pire, en vous accrochant au besoin d’une vie sereine et à minima épanouie. Vous devenez chaque jour un peu plus, le créateur de vos illusions, et le coupable de votre désillusion…
Les extrêmes qui se lient, attirent la déchéance
On me demande régulièrement lors des débats à propos de la dépendance affective, si deux personnes en grand besoin d’amour peuvent être heureuses ensemble. Oui, au début, et ensuite, chacun avançant clopin-clopant dans sa névrose, n’est plus capable ni de prêter attention à ses propres besoins (voulant tant plaire à l’autre), ni la force et l’envie de porter secours constamment à l’autre. Chacun s’éloigne de qui il est vraiment, retrouve la sensation de frustration et de manque, et en veut à l’autre. De mois en mois, d’année en année, la souffrance s’installe, l’indifférence vient l’appuyer, au mieux l’éloignement se fait, au pire, entrent en jeu les rouages de la persécution et de toutes les formes de violence.
La violence n’existe pas seulement dans les couples fragile-pervers. Deux personnes fragiles ne tiennent pas l’équilibre dans la durée. Elles ont tant de manques, de peurs, et de besoins qui émanent de leur immaturité affective, qu’elles s’épuisent à donner sans être nourries. Et comme en plus, rien n’est jamais suffisant pour les rassasier, c’est un puit sans fond qui cause leur perte.
C’est quoi l’amour
L’amour commence déjà par soi. Comment savoir si j’aime l’autre, si je n’ai pas fait l’expérience de me considérer, de me protéger, de me respecter, de m’apprécier, de me vouloir du bien, de vouloir le meilleur pour moi ? Comment savoir ce qu’est “estimer l’autre”, si je ne sais pas par quoi commence l’estime de moi-même ? Comment avoir confiance en l’autre et en les situations qui le concernent, qui nous concernent, si je ne suis pas en paix et en confiance de moi-même ? Sur quoi se baser pour estimer “respecter” l’autre, si je ne sais même pas me respecter et me faire respecter ? Comment être serein avec l’énergie de partage si je pose des conditions sur le “donner-recevoir” et le “demander” ?
L’amour c’est savoir ajuster
Arriver à la souffrance, culpabiliser, ressentir la honte, … c’est déjà être allé beaucoup trop loin, et si ce jeu se répète, pour sûr il vient détruire le sentiment, par déception récurrente, et aussi parce qu’il nous est donné de voir de l’autre, et de montrer de soi, le côté le plus sombre.
Si montrer le meilleur de soi ne peut que prendre vie dans les situations où chacun va servir à l’autre de béquille ou de bouée de sauvetage, alors les fondations sont bien tristes et fragiles pour la relation, et demeurent peu gratifiantes. Evidemment que dans une relation, l’un et l’autre se doivent d’être présents en cas de coup dur. Mais le dépendant affectif en arrive presqu’à souhaiter et apprécier ces moments de crise pour se sentir utile, pour trouver une porte ouverte à la tendresse et au partage, et pour sentir l’autre proche, et en demande.
Alors au regard de ce que je viens de poser comme mots, à votre avis, c’est quoi l’amour ?
Et si l’amour ressemblait à : respect de soi, respect de l’autre, écoute de soi, écoute de l’autre, écoute du “nous”, affirmation de soi, communication, partage, complicité dans la simplicité du quotidien, complicité dans l’échange amoureux, complémentarité, liberté d’être, liberté d’agir en respect de l’autre, épanouissement, projets individuels, projets à deux, joie de vivre seul et à deux, réalisation-accomplissement seul et à deux, élévation-apprentissage-remise en question, humilité, présence pour soi, présence pour l’autre, tendresse, authenticité-vérité, simplicité,… etc. je vous laisse compléter cette liste qui à mon sens a des chances de ne jamais être réellement exhaustive, tant la relation d’amour est unique et précieuse pour le “soi”, et pour le “nous”.
Etre capable de vivre le “soi” c’est devenir capable de bien vivre le “nous”
Avoir une peur immense de la solitude et du vide, c’est se priver de découvrir le “soi” et d’en prendre soi-même soin. Répondre soi-même à ses propres besoins est pourtant la seule condition pour savoir vivre en harmonie avec l’autre.
Etre trop, avec et sur l’autre, c’est bien sûr l’étouffer, le priver d’air et de liberté d’être, mais c’est aussi symboliquement monter dans la barque de l’autre tout en observant sa propre barque s’éloigner au large, sans vraiment savoir comment y retourner, surtout lorsqu’on ne sait pas nager…
© Geneviève Krebs, psychopraticien et coach, auteur d’une douzaine d’ouvrages, dont “Dépendance affective : six étapes pour se prendre en main et agir“, et “la dépendance affective au travail” parus chez Eyrolles.